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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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18 septembre 2019

Qui es-tu, Élise ?

Je ne sais pas qui tu es. Je ne sais pas qui est cette petite fille que j’aime, que je pleure et qui me manque.

Quand je pense à toi, j’imagine une petite fille de 6 ans, qui aurait fait sa rentrée en CP, qui aurait les cheveux bruns et bouclés, qui apprendrait à nager, qui s’initierait à la musique, qui inviterait ses copains et copines à son anniversaire, qui réciterait sa première poésie, qui se chamaillerait avec ses frères et qui amuserait sa sœur.

Pourtant, ça n’aurait jamais pu être toi. Cette petite fille n’existe pas, ni dans ce monde-ci, ni dans ce monde-là. Ce scénario ne faisait pas partie des options qui nous ont été proposées. La seule vie que nous avions imaginée pour toi, pour ton frère, pour notre famille a volé en éclats. Notre champ des possibles est devenu impossible. Nous avons eu le choix entre un bébé lourdement handicapé et un bébé mort. Tu parles d’un choix !

Avec le choix que nous avons fait, tu ne souffleras sur aucune bougie demain, tu n’as pas fait ta rentrée en CP, tu n’as pas choisi de garder les cheveux courts comme ton frère jumeau ou de les laisser pousser comme ton petit frère, tu n’apprends pas à nager, tu ne t’inities pas à la musique, tu ne fêteras pas ton anniversaire avec tes copains et copines samedi après-midi, tu ne me récites pas ta poésie tous les soirs, tes frères se chamaillent à deux et ta sœur s’amuse sans toi.

Si nous avions fait l’autre choix, tu ne soufflerais sur aucune bougie demain, tu n’aurais pas fait ta rentrée en CP, tu nous laisserais décider de la longueur de tes cheveux, tu n’apprendrais pas à nager et ne saurais même pas marcher, tu ne percevrais peut-être même pas la musique, tu ne fêterais pas ton anniversaire samedi prochain, tu ne me réciterais aucune poésie et ne saurais même pas parler, tes frères se chamailleraient quand même sans toi et ta sœur s’amuserait quand même sans toi.

Ta réalité ne s’intègre pas à ma réalité. J’ai un peu honte de le dire, mais quand je pense à toi, ce n’est pas à toi, mon Élise, mon bébé malformé et malade, que je pense, c’est à cette petite fille que j’avais imaginée avant. Celle que tu es ne parvient pas à prendre la place de celle que j’imagine. Je sens bien que ces deux Élise existent toutes les deux quelque part, dans deux espace-temps différents, mais quelque chose me glisse inexorablement entre les doigts. C’est comme si tu n’étais qu’une idée, une pensée, une chimère, quelque chose d’évanescent qui m’échappe dès que je m’en approche. Alors, qui es-tu, Élise ?

Neuropédiatrie

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