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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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24 mai 2016

Chaussons et claquettes

Pendant le repas de ce soir, Gaspard, assis à côté de son papa, a tripoté le bracelet que je lui ai offert pour Noël 2015 : le bracelet dont le médaillon porte sur une face les empreintes de pied de Gaspard et sur l'autre, celles d'Élise. Il a alors demandé à voir de plus près les deux faces et, lorsqu'il a été question des empreintes d'Élise, mon mari a fait remarquer à Gaspard que c'étaient les mêmes empreintes que sur la couverture du "livre d'Élise", placé à l'étage d'Élise dans la bibliothèque du salon, visible depuis la table où nous prenons nos repas.

empreintes Élise

Un peu trop loin de la bibliothèque à son goût, Gaspard a affirmé ne pas bien voir. Mon mari est donc allé chercher le livre en question et s'est assis dans le canapé, où l'a rejoint Gaspard. Ils ont alors parcouru toutes les pages ensemble.

Et nous avons de nouveau eu le droit de voir Élise – et leur naissance à tous les deux – à travers ses yeux d'enfant.

Sur un gros plan en couleur de son visage : "Oh, elle a quoi, là ?!"
Sur une photo de lui et elle avec moi : "C'est qui, là ?"
Sur une autre photo : "Il est où, Hector ?"

Mais la photo qui a retenu son attention le plus longtemps est l'une de celles où l'on voit Élise dans son cercueil, entourée notamment de sa grenouille, tricotée par ma mère, et des petits chaussons que je lui avais tricotés.
Gaspard a reconnu la grenouille, puisqu'il a la même mais avec les couleurs inversées et puisque j'ai exactement la même qu'Élise (avec laquelle je dors CHAQUE soir, où que je sois).
Voyant les minuscules chaussons en question, il a demandé ce que c'était, sans faire de commentaire sur le coup... jusqu'à ce qu'il nous sorte : "Élise, elle a que sa grenouille et ses chaussons. Mais nous (en parlant de Hector et lui), on a des caqulettes*."
Cette phrase, par sa simplicité et son réalisme, m'a transpercé le coeur. En effet, mon Crapaud, c'est là toute la différence : vous, vous avez des claquettes mais Élise n'en aura jamais.

*ces caqulettes sont en fait des claquettes : vous savez, les petites sandales en pseudo-mousse rigide pour la plage

Ce que j'ai aimé dans la séquence émotion de ce soir, c'est son égocentrisme et son étonnement sans filtre d'enfant.
Ce que j'ai moins aimé, c'est de me sentir, une fois de plus, prise au dépourvu par ce genre de moment, que j'attends pourtant autant que je redoute.

Et puis ce que j'ai moins aimé aussi, c'est me rendre compte que Hector et Élise sont pour ainsi dire étrangers l'un à l'autre.
Par rapport à Gaspard, leur gémellité implique de fait un lien entre eux - un lien particulier, qui plus est.
Mais qu'est-ce qui relie Élise à Hector ? Ils n'ont pas existé dans la même vie, dans le même espace-temps. Il n'y a aucun souvenir en commun, rien de tangible entre eux, rien sur quoi construire un imaginaire, fantasmer une relation.

À partir de là, est-ce que Hector verra Élise comme sa sœur ?
Cette question, qui m'a sauté à la figure ce soir, m'a fait penser à ce que m'avait rapporté une maman de jumeau esseulé qui a eu une petite fille après ses jumeaux. Et lorsque la petite sœur, qui n'avait donc pas connu le jumeau décédé, parlait de lui à son frère, elle disait "ton frère" et non "mon frère" ou "notre frère".

Qu'est-ce qu'elle est, Élise, pour nous ? Pour Gaspard ? Pour Hector ?
Un fantôme ? Une idée ? Une chimère ?

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22 décembre 2015

Trois en un

Eh oui, je vais encore vous rapporter les propos de Gaspard ! Toujours pour les mêmes raisons : il est une source intarissable qui m'évite, en ces temps où ma fatigue est inversement proportionnelle à mon moral, la peine de mettre en mots et en forme les autres billets qui prennent la poussière dans mes brouillons.

J'en profite pour officialiser une nouvelle catégorie, qui, au vu de la prolixité de Gaspard qui ne fait sans doute que commencer, devrait être alimentée régulièrement par lui et probablement son frère dans quelque temps. J'ai nommé "Eux et Elle".

Samedi dernier donc, Gaspard a remporté le tiercé dans le désordre : il m'a émue aux larmes trois fois en quelques heures en parlant de sa sœur... Émue parce qu'elle n'est pas là. Émue parce qu'elle existe pour lui.

 

La première fois, c'était à propos du sapin. Chacun de nos trois enfants a "sa" boule dans le sapin. Gaspard cherchait la sienne et s'est réjoui de la trouver. Il a ensuite cherché celle de son frère, avant de la lui montrer puisque Hector était près de lui à ce moment-là. Il a alors cherché celle de sa sœur et, au moment où il l'a repérée, il s'est tourné vers le petit coin d'Élise dans notre bibliothèque en s'écriant : "Élise ! Élise ! 'garde Élise !".

*****

La deuxième fois, c'était à propos du petit nounours qu'il a eu en cadeau à l'occasion de la fête de la crèche la veille. Innocemment, je lui ai demandé comment il s'appelait. Et Gaspard de me répondre du tac-au-tac : "Élise !". Je ne m'y attendais tellement pas que je n'ai pas su quoi dire ou quoi faire. Je ne sais pas s'il vaudrait mieux éviter, pour empêcher toute confusion, ou si cela reste anodin. Heureusement, ce fameux nounours a déja changé trois fois de nom depuis ; il importe donc peu - pour l'instant du moins - que je n'aie toujours pas la réponse à cette question.

*****

La troisième fois, c'était à propos des larmes d'Élise. Alors que nous regardions encore le ciel étoilé et la lune, Gaspard a enchaîné sans transition : "Pas pleure Élise" (qu'il faut comprendre comme "Ne pleure pas Élise"). S'en est alors suivie cette conversation :
- Elle pleure, Élise ?!
- Oui.
- On ne sait pas si elle pleure... Mais à ton avis, pourquoi elle pleure, Élise ?
- Est tombée Élise.
- Où ça ?
- Pa' terre là.
- Ah bon. Le pire, c'est qu'on ne peut même pas la voir pour la réconforter.
- Vais c'erc'er Élise moi.
- On ne peut pas aller la chercher, tu sais.
- Attends Élise moi.
- ...
 
Une fois de plus, je n'ai pas su quoi lui dire. Mais je n'ai pu m'empêcher de penser qu'il allait l'attendre longtemps...

14 décembre 2015

À côté d'elle

Aujourd'hui, je vais - encore - vous rapporter ce que Gaspard nous a dit. Quand je vous dis qu'il est une vraie pipelette ! Et puis cela m'arrange bien qu'il nourrisse mes billets, puisque je n'ai toujours pas retrouvé l'énergie d'écrire plus longuement.

Ce soir, en rentrant de la crèche à pieds, tous les quatre, nous avons pris le temps de nous arrêter devant les maisons décorées et illuminées, de chercher les marrons et les vers de terre, d'admirer les Père Noël en train d'escalader les grillages et autres clôtures, de regarder les oiseaux voler au-dessus de nos têtes, de guetter le petit chat que nous avions vu à l'aller ce matin... et de lever les yeux vers la lune qui commençait à apparaître.

Et Gaspard de s'exclamer : "C'est la lune à Élise !"

Je ne sais pas si nous faisons comme il faut, mais pour l'instant, tu places Élise au même endroit que nous, mon Crapaud...

12 décembre 2015

Si nous avions pu...

Ce soir, au milieu d'une phrase anodine, Gaspard a capté le mot "réparer". Fidèle à sa réputation de pipelette, il s'est alors amusé avec.

"Réparer Gaspard moi !
Réparer Papa moi !
Réparer Hector moi !
Réparer Élise moi !"

- On ne peut pas réparer Élise, tu sais. Si nous avions pu, nous l'aurions fait...
- Veux réparer Élise moi.

Si nous avions pu...
Mais nous n'avons même pas essayé...

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