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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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27 juillet 2015

Je t'en veux

Je t'en veux de ne pas me réveiller la nuit.
Je t'en veux de ne pas avoir failli fuguer avec Gaspard la semaine dernière.
Je t'en veux de ne pas faire rire Hector aux éclats en le chatouillant.
Je t'en veux de ne pas attraper la barbe de ton papa à chacun de ses bisous.

Oui, je t'en veux.

Mais moins qu'à moi.

Réflexion

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3 juillet 2015

Pas elle, pas eux

Il y a quelques jours, nous avons gardé une petit fille de notre entourage. Dans le désordre, notre après-midi a ressemblé à ça :

Hector et cette petite fille ont passé du temps ensemble dans le parc à s'observer, à se regarder, à se toucher, à se demander "tékitoi ?".
J'ai amusé Hector et cette petite fille avec des livres, des jouets, de la musique.
Hector a tété à droite pendant que je donnais un biberon à cette petite fille au creux de mon bras gauche.
Hector et cette petite fille ont pleuré en même temps.
J'ai changé Hector et cette petite fille.
Nous sommes sûrement passés pour une "famille-alloc" en allant nous promener à cinq, Gaspard et nous à pieds, Hector dans l'écharpe de portage et cette petite fille dans la poussette.

Hector et cette petite fille n'ont que quelques semaines d'écart, une différence assez visible à leur âge, mais dimanche, je ne voyais que deux bébés, un garçon et une fille - ceux que j'aurais dû avoir.

Ce n'est pas Hector et cette petite fille qui devaient jouer ensemble.
Ce n'est pas Hector et cette petite fille que je devais amuser.
Ce n'est pas Hector et cette petite fille que je devais nourrir en même temps.
Ce n'est pas Hector et cette petite fille qui devaient pleurer de concert.
Ce n'est pas cette petite fille la première petite fille que je devais changer.
Ce n'est pas avec Hector et cette petite fille que nous devions nous faire dévisager dans la rue.

Ça ne devait pas être "Hector et cette petite fille". Ça devait être "Gaspard et Élise". C'est avec eux que je devais vivre tout ça.
Mais il n'y a plus de "Gaspard et Élise". Il n'y aura plus jamais de "Gaspard et Élise".

Réflexion

23 juin 2015

21 mois

21 mois que nous t'avons dit adieu.
21 mois que nous ne pouvons plus caresser ton visage immobile.
21 mois que nous ne pouvons plus te regarder qu'en photos.
21 mois que nous ne pouvons plus faire semblant de réchauffer tes petites mains glacées.

"Mais toute vie achevée est une vie accomplie : de même qu'une goutte d'eau contient déjà l'océan, les vies minuscules, avec leur début si bref, leur infime zénith, leur fin rapide, n'ont pas moins de sens que les longs parcours. Il faut seulement se pencher un peu pour les voir, et les agrandir pour les raconter."
Françoise Chandernagor - La chambre

19 juin 2015

00h22

Il y a 21 mois jour pour jour, Élise est née à 00h22, cinq minutes avant Gaspard.
Cette nuit, Gaspard s'est réveillé à... 00h22. Mais cinq minutes plus tard, Élise ne s'est pas réveillée.

Elle ne se réveillera jamais. La dernière fois qu'elle s'est réveillée, c'était dans mon ventre et elle ne savait pas ce qui l'attendait. Peut-être qu'elle le savait en fait. Elle nous a forcément entendus en parler, elle m'a forcément sentie pleurer

Gaspard s'est donc réveillé, jour pour jour, heure pour heure, minute pour minute, 21 mois après la naissance sans vie de sa sœur. D'aucuns diront qu'il ne s'agit que d'une coïncidence vide de sens ; je préfère y voir un signe.

25 mai 2015

Cherchez l'erreur

Aujourd'hui, comme tous les jours, Gaspard a pris son goûter.

Aujourd'hui, c’était au grand air.
Après un bon week-end en famille dans le Nord.
Sous le soleil.
Pendant que Hector faisait la sieste à côté de lui.
En jouant à ramasser les cailloux et à les mettre dans les mains de Papi-Mamie.
À l'occasion d'une halte sur le chemin du retour.

Et surtout, aujourd'hui, c'était sur la tombe de sa sœur.

Réflexion

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30 avril 2015

Même en Corse

Nous passons nos premières vacances à quatre en Corse, l'un des plus beaux endroits que je connaisse.

Hier, nous avons visité la citadelle de Calvi, notamment la cathédrale Saint-Jean-Baptiste. À une époque où je ne savais pas encore si j'étais croyante ou non, ma mère et moi avions allumé un cierge pour mon grand-père ; il était décédé peu après. Depuis, indépendamment du fait que je sais maintenant que je ne crois pas en Dieu, je n'ai plus allumé de cierge ou de bougie pour personne. Jusqu'à Élise. Je ne l'ai pas fait pendant la grossesse des grumeaux mais après le décès d'Élise, dans les rares occasions où je me suis trouvée dans une église, comme ce fut le cas hier. C'est mon mari, sans rien dire, qui en a pris l'initiative cette fois. Entre le moment où je me suis aperçue de ce qu'il avait l'intention de faire et le moment où il a allumé cette bougie, nous nous sommes simplement regardés, nous ne nous sommes pas parlé. Il savait que je savais. C'est ce genre de geste qui me rassure sur ce qui nous rassemble et nous fait avancer main dans la main, même si nous n'avançons pas tout à fait au même rythme.

Aujourd'hui, à la fin d'une promenade dans des jardins botaniques, nous avons quitté les lieux en même temps qu'une dame accompagnée de sa fille handicapée mentale. Je les ai observées toutes les deux, sans cette curiosité malsaine qu'on éprouve parfois devant ce qui fait peur et qu'on est bien content de ne pas avoir chez soi, mais avec une certaine forme d'envie et beaucoup de regrets. Je sais pourtant que, même si nous n'aurons jamais aucune certitude sur l'état dans lequel Élise se serait trouvée si nous l'avions laissée vivre, elle n'aurait probablement pas pu en faire autant que cette jeune fille, qui pouvait marcher seule, respirer sans assistance, s'exprimer - même de façon presque incompréhensible, qui était même capable d'apprécier la douceur et la saveur d'une glace sous le soleil corse...
En voyant cette jeune fille, je me suis demandé si elle était née "comme ça", si sa mère avait su pendant la grossesse qu'elle serait "comme ça", si elle avait choisi de la garder quand même. Je me suis demandé, dans l'hypothèse où elle n'aurait pas eu le choix, si elle aurait aimé l'avoir, ce choix, et si elle aurait fait le choix de la garder ou non, avec toutes ces années de recul.
En voyant cette femme, je l'ai admirée instantanément. Pour sa détermination - à ne pas faire de sa fille une paria ou une pestiférée qui ne peut pas vivre comme tout le monde. Pour sa patience - à expliquer des choses à sa fille qu'elle doit lui répéter à longueur de temps. Pour son humour - à plaisanter sur les absences et les errances de sa fille. Pour sa force - celle que je n'ai pas eue...

Pour terminer la journée, nous sommes allés sur la plage d'Ostriconi, simplement pour la beauté du paysage. Et nous avons demandé à Gaspard de ramasser un caillou, à défaut de coquillage. Nous savons bien qu'il n'a pas compris que c'était pour la tombe de leur sœur mais nous tenions à cette symbolique. Et nous avons nous-mêmes ramassé un autre caillou. Ils viendront compléter la "collection" commencée l'an dernier en Bretagne.

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26 mars 2015

Il y a ceux

Ce billet traînait dans les tiroirs du blog depuis un moment mais ce sont deux "évènements" récents qui m'ont décidée à le publier : d'abord la publication d'un billet similaire sur le blog d'un papa endeuillé, ensuite la visite d'amis qui se reconnaîtront un peu plus bas.

 

Il y a ceux qui ne comprennent pas parce qu'ils ne peuvent pas, parce qu'ils ne veulent pas.
Il y a ceux qui n'en parlent pas, parce qu'ils ne savent pas quoi dire.

 

Et puis il y a tous les autres...

Ceux qui sont là.

Ceux qui nous écoutent.
Ceux qui nous entendent.

Ceux qui nous lisent.
Ceux qui nous écrivent.
Ceux qui nous appellent.

Ceux qui nous posent des questions.
Ceux qui se posent des questions.

Ceux qui savent que nous n'allons pas bien malgré les apparences.
Ceux qui savent qu'il nous faudra du temps, peut-être toute une vie.
Ceux qui s'inquiètent pour nous.

Ceux qui nous relayent pour expliquer et sensibiliser.

Ceux qui étaient prêts à donner un mois de congé à mon mari (si leur direction n'avait pas refusé) pour compenser les innombrables journées qu'il a posées pour m'accompagner à tous les rendez-vous pendant la grossesse des grumeaux.
Ceux qui nous parlent des chansons qui leur font penser à Élise.
Ceux qui nous offrent une rose blanche en l'honneur d'Élise à chaque fois qu'ils font un cadeau à Gaspard ou Hector.
Ceux qui font des dons à une association d'accompagnement du deuil périnatal au nom d'Élise.

Ceux qui nous parlent d'Élise comme ils nous parlent de Gaspard ou Hector.
Ceux qui considèrent Élise comme un enfant, comme notre enfant, comme la grande soeur de Gaspard et Hector.

Ceux qui nous considèrent exactement et entièrement comme nous sommes : des parents endeuillés.

Ceux qui nous AIDENT à avancer, en fait.

Réflexion

5 novembre 2014

Dans la maison

Il reste encore plus de trois mois avant la date prévue d'accouchement ; nous ne sommes pourtant pas du genre à tout préparer dans l'excitation, l'impatience et l'insouciance. Certains diront que c'est normal avec la grossesse que nous avons vécue pour les grumeaux ; disons qu'elle n'a fait que nous rendre plus prudents, plus méfiants mais que nous n'étions déjà pas du genre à repeindre la chambre pendant le premier trimestre. Cette fois-ci, c'est différent : les quelques réaménagements que nous avons prévus dans la maison vont prendre un peu de temps, mon mari souhaitait donc profiter du pont du 11 novembre (puisqu'il ne travaille pas lundi, lui !) pour s'y attaquer et éviter de laisser la maison "en chantier" plusieurs jours ou semaines s'il s'en occupait par intermittence le soir ou le week-end.
Et puis, comme les réaménagements prévus impliquent un changement de chambre pour Gaspard, nous voulons le préparer à l'arrivée de son petit frère suffisamment longtemps à l'avance pour qu'il ne soit pas trop perturbé et qu'il n'associe pas ce chamboulement à l'arrivée de Hector.

Ce soir, nous avons donc commencé à vider les meubles qui vont devoir changer de pièce pour l'arrivée de Hector. J'ai participé comme j'ai pu mais ai rapidement dû me contenter de regarder mon mari faire, mon bidon commençant à peser, surtout en fin de journée. J'aurais préféré pouvoir être plus active, ça m'aurait peut-être évité de cogiter...

Car l'aménagement que l'on entreprend pour accueillir Hector, c'est celui que nous aurions dû faire à notre entrée dans la maison il y a 13 mois, pour Élise et Gaspard. Nous disposons en effet d'une chambre au rez-de-chaussée, qui aurait dû être la nôtre dès le début et qui va désormais la devenir, et de deux chambres à l'étage, qui auraient dû être celles des grumeaux. En même temps, je suis heureuse de préparer tout ça pour Hector mais je ne peux m'empêcher de penser que les choses ne sont pas à leur place.

Et pour couronner le tout, l'angoisse inhérente à cette grossesse trouve dans ces remaniements un terreau fertile. À anticiper autant l'arrivée de Hector, moi qui ne suis pas superstitieuse, j'ai pourtant peur que ça ne nous porte malheur, comme si en rendant sa présence imminente un peu plus concrète, on jouait à provoquer le diable.
Nous préparons l'arrivée de Hector mais si c'est à lui qu'il arrive quelque chose ? Que fera-t-on si Hector n'arrive jamais dans sa chambre, dans son lit ?...

29 octobre 2014

Autopsie

En ce moment, j’ai comme des flashs.
D’ordinaire, quand je pense à Élise, c’est de façon abstraite. Sa réalité n’est que dans ma tête ; quand je pense à elle, elle est immatérielle, chimérique, comme irréelle. Et pourtant, depuis quelques jours, les images les plus crues et les plus triviales de son existence m’apparaissent devant les yeux, par surprise. Pourquoi ? Je ne sais pas vraiment. On a pourtant dépassé, du moins pour cette année, les dates anniversaires qui auraient pu raviver ce genre d'images.

Les images de son tout petit cercueil se refermant sur son tout petit corps.
Les images de la première fois où nous sommes allées la voir à la morgue, le vendredi 20 septembre 2013.

Les images - que je fantasme - de son autopsie…
Pour beaucoup, accepter une autopsie est une évidence quand on ignore la cause de la mort ou que l'on veut comprendre l'origine de malformations qui ont conduit, directement ou non, à la mort. Pour nous aussi - pour moi aussi - ça a été une évidence d'accepter l'autopsie d'Élise - sur le moment, du moins. Comme si j'espérais que l'autopsie nous apporte des réponses définitives, indiscutables. Comme si j'espérais surtout que l'autopsie légitime la décision que nous avons prise, comme pour me sentir moins responsable, moins coupable. Mais plus j'y pense et plus je me dis qu'il y a vraiment un truc qui ne tourne pas rond sur cette terre pour que des parents aient à associer les mots "enfant" et "autopsie" dans une même phrase, dans une même idée, dans une même réalité.
L'autopsie peut apporter des réponses - mais pas toujours. Dans notre cas, on nous a tellement fait comprendre que les malformations d'Élise étaient "la faute à pas de chance" que je crois que je n'attends plus rien des derniers résultats d'autopsie que nous n'avons pas encore. Du coup, je ne vois plus dans son autopsie qu'un acte sacrilège. Car il y a tellement de violence qu'on ne dit pas derrière une autopsie. Avez-vous jamais imaginé concrètement, réellement, physiquement ce qu'est une autopsie, en quoi elle consiste, ce qu'il advient du corps autopsié ? En ce moment, je n'arrête pas d'y penser.

Son petit corps nu, exposé, seul... sans la chaleur de la vie qui l'a quitté, sans la chaleur de nos bras autour de lui...
Son petit corps si innocent, si délicat, si pur... profané par des inconnus pour qui il n'est qu'un corps sans âme, qu'un organisme autrefois vivant, à étudier, examiner, disséquer...
Son petit corps silencieux et inoffensif... abîmé, martyrisé, torturé par des instruments froids, invasifs, étrangers.
Son petit corps sans vie, sans âme... confié - non, abandonné - à la science pour faire semblant de chercher des réponses que nous n’aurons jamais.

Je voudrais me débarrasser de ces images mais elles sont intrinsèquement liées à la relation, si courte et si incomplète, que nous avons eue avec elle. Je voudrais ne penser à elle que comme ma fille, mon enfant, mon bébé. Mais la réalité, froide, insensible et sans pitié, me rattrape sans cesse.

1 octobre 2014

Retour au travail

Cela fait une semaine que j'ai repris le travail, après 19 mois d'interruption (jour pour jour) entre arrêt maladie, congé maternité, congé parental et congés payés. J'avais programmé ma reprise après l'adaptation de Gaspard à la crèche, j'aurais pu reprendre plus tôt puisqu'elle s'est terminée le 15 septembre mais, pour ces "premières fois depuis", je ne voulais pas travailler les 18, 19 ou 23 septembre. J'ai donc repris le 24 septembre, après avoir temporairement arrêté de travailler le 25 février 2013.

Pour me sentir bien dès le début, j'ai commencé par me réapproprier mon poste de travail, qui était entre-temps passé entre les mains de ma remplaçante et d'une stagiaire.
Entre mes deux écrans, j'ai posé une des étoiles de la boîte à souvenirs d'Élise.
En fond d'écran, j'ai choisi la carte que ma mère a dessinée pour le premier anniversaire des grumeaux :

carte premier anniversaire grumeaux maman

Par l'accueil qui m'a été réservé, j'ai eu l'impression de revenir tout simplement de vacances alors qu'au fond de moi, je ne suis plus la même. Pour mes collègues, l'équation est simple : ils ne m'ont pas vue enceinte au travail, puisque j'ai été arrêtée au bout d'un mois de grossesse, et quand j'ai fait une visite de courtoisie en janvier dernier, j'avais un bébé à présenter. Alors que l'absence de ma fille m'habite en permanence et que la grande majorité de mes collègues sont au courant (ne serait-ce qu'avec le mail que j'avais adressé à l'ensemble du personnel de mon entreprise en décembre dernier), je suis sûre que certains d'entre eux ont purement et simplement oublié que j'avais perdu un enfant.

En témoigne la brève discussion que j'ai eue avec un collègue (qui figurait pourtant parmi les destinataires de mon mail) à propos de ma nouvelle grossesse. Alors que je commentais le fait d'attendre un autre petit garçon d'un "je vais avoir une tribu de garçons à la maison", il m'a répondu : "c'est le deuxième alors ?". J'ai laissé un petit blanc, volontairement, puis ai précisé : "le deuxième vivant, oui, mais le troisième dans les faits".
Pas d'autre réaction qu'un embarras silencieux mais peu importe : Élise est mon premier enfant, Hector est mon troisième enfant et je ne laisserai personne croire qu'il en est autrement ! Ce n'est pas un caprice, une lubie ou un arrangement avec la réalité : mon livret de famille dit et dira la même chose.

Vis-à-vis de mes collègues, j'ai pris le parti de saisir chaque occasion de parler d'Élise. Je ne provoque pas ces occasions - je n'y arrive pas alors que l'envie de parler de ma fille me brûle les lèvres à chaque instant - mais je les guette. Alors que je discutais avec un jeune collègue de ma nouvelle grossesse (encore ! Je dois reconnaître que le fait que je revienne enceinte de congé maternité peut être un peu déroutant !) et de la brièveté de mon retour au travail, j'expliquais que mon futur congé maternité serait celui accordé pour un troisième enfant, ce qui l'a étonné : "c'est bizarre que ta fille soit considérée à charge par la sécurité sociale". Je lui ai alors expliqué la différence entre la CAF et la sécu, et entre les enfants "à charge" et les enfants "mis au monde viables". J'aurais pu être perturbée par sa question "cash" mais j'ai précisément apprécié qu'il ne s'embarrasse pas d'une éventuelle retenue pour évoquer ma fille ! Des questions sans détours à propos d'Élise, j'en redemande !

Le lendemain de ma reprise, ma chef a commenté avec pudeur les boucles d'oreilles en étoiles que je portais : "Je n'avais pas fait le lien". J'ai alors mis les pieds dans le plat : "oui, si vous voyez des étoiles sur moi, c'est pour ma fille". Une autre collègue a alors répondu qu'elle avait effectivement remarqué l'étoile entre mes écrans. Gagné !

Le lendemain de ma reprise toujours, mon patron s'est intéressé, par pure obligation, à ma nouvelle grossesse : "Vous savez ce que c'est ?" J'ai eu envie de lui répondre qu'a priori c'était un humain, pas un alien, mais je me suis dit qu'il serait malvenu, dès ma reprise, de crisper à nouveau nos relations, que le temps et la distance de ces derniers mois ont eu la bonne idée de détendre, par la force des choses. Je me suis donc contentée d'un :
- C'est un petit garçon.
- Et là, vous avez déjà... ?
- Un petit garçon... et ma fille, qui n'est plus là.
Évidemment, rien qu'en prononçant ces quelques mots, ma voix a trahi mon émotion. [mode ironie : ON] Alors on peut me trouver chochotte ou hypersensible [mode ironie : OFF] mais, oui, je m'émeus encore de dire que ma fille n'est plus là ! Mon patron l'a remarqué et n'a pu s'empêcher de commenter : "Vous avez encore du mal". J'ai eu envie de lui répondre "Évidemment que j'ai encore du mal, ça ne fait qu'un an ! Et toute ma vie, j'aurai du mal à vivre l'absence de ma fille et à annoncer, confirmer ou répéter que ma fille n'est plus là". Là encore, j'ai pris sur moi pour lui répondre laconiquement : "oui, et je pense que ça va durer encore longtemps." Fidèle à lui-même, il a ensuite dévié la conversation sur lui mais je n'en attendais pas moins de sa part.

La "bonne nouvelle" de ma reprise, c'est que j'ai trouvé des oreilles attentives et compréhensives non pas auprès de mes collègues, mais auprès de traductrices avec lesquelles je travaille beaucoup à distance mais que je n'ai jamais rencontrées. Évidemment, j'ai fait une "sélection" des relations professionnelles à qui je pensais pouvoir en toucher quelques mots ; je n'en ai parlé à aucun de mes clients (mais si l'occasion se présente un jour, j'en profiterai peut-être) et ai choisi, parmi les dizaines de traducteurs avec lesquels je travaille au quotidien, de ne me confier qu'à trois d'entre eux - d'entre elles, en fait. Leurs réactions ont été à la hauteur du "feeling" que je pensais avoir avec elles et de la confiance que je leur ai témoignée en ouvrant mon coeur et en donnant le lien vers ce blog. Pour le réconfort qu'elles m'ont apporté dans cette étape parfois décevante qu'est ma reprise du travail, je les remercie du fond du coeur !

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