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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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9 octobre 2014

Cela va parfois mieux sans dire

Ce billet, il y a longtemps que je l'ai en tête. Depuis que l'on sait que je suis à nouveau enceinte, je crois. J'ai attendu, sans raison, avant de me décider à le rédiger et à le publier. Et puis il y a eu un déclic, avec ce qui est arrivé à "pastoutàfaitpapa". C'est d'ailleurs parce que ce déclic est lié à son histoire que j'ai préféré vous parler de lui au préalable.

J'avais déjà pensé à tout ça avant d'être à nouveau enceinte mais maintenant que je le suis, mon appréhension est encore plus pregnante. Je fais référence à toutes ces phrases que je redoute que l'on me dise ou que je regrette que l'on m'ait dites.

Ne me dites plus...

"Ah ! Tu fais comme moi !"
C'est ma grand-mère, la seule de mes grands-parents qui soit encore là, qui m'a sorti ça alors que je venais de lui annoncer que nous attendions un autre petit garçon. Ma grand-mère, qui n'a eu que des fils. Ma grand-mère, qui a perdu son deuxième fils à l'âge de 7,5 mois. Ma grand-mère, qui n'a pas compris que je suis aussi maman d'une petite fille...

"J'espère que ce sera une fille."
C'est la grand-mère de mon mari, elle aussi la seule de ses grands-parents qui soit encore là, qui m'a "souhaité" ça, alors que nous ne connaissions pas encore le sexe, comme si le fait d'avoir une autre petite fille pouvait adoucir l'absence d'Élise. Comment lui faire comprendre qu'au-delà de toute considération psychologique, le sexe nous importe si peu, pourvu que notre enfant naisse vivant et en pas trop mauvaise santé ? Comment lui faire comprendre qu'Élise ne sera jamais remplacée par une autre petite fille, que son absence ne sera jamais compensée par la présence d'une autre petite fille ?

Et ne me dites pas non plus...

"Il n'y a pas de raison."
Il n'y a pas de raison que ça se passe mal pour ce bébé, soit. Cela veut dire qu'il y avait une raison pour que le destin d'Élise vire au tragique ?!

"Tout va bien se passer."
Qu'en savez-vous ?!

"La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit."
J'ignorais que chacun avait un quota de malheurs à vivre sur Terre et que le décès d'Élise allait nous prémunir contre un autre drame. Alors comment expliquez-vous que certains parents aient à survivre à plusieurs de leurs enfants ?!

Je sais que ces paroles se veulent réconfortantes mais c'est exactement le but contraire qui est atteint à chaque fois. Je n'ai pas besoin d'entendre des paroles qui sonnent tellement faux à mes oreilles. Personne ne sait la tournure que va prendre cette grossesse. Le fait d'avoir perdu Élise et le fait que cette grossesse se déroule bien pour l'instant ne nous mettent à l'abri de rien.
Voulez-vous que je vous parle de ces grossesses qui se déroulent à merveille, jusqu'à l'accouchement qui se passe mal au point d'en devenir fatal pour le bébé ?
Voulez-vous que je vous parle de ces bébés qui s'épanouissaient pleinement dans le ventre de leur mère jusqu'à ce que leur cordon, qui les reliait à la vie, signe leur arrêt de mort ?
Voulez-vous que je vous parle d'Agnès, qui a perdu trois de ses cinq enfants avant la naissance ? De Stéphanie, qui a perdu ses deux fils avant d'avoir sa fille ? De Roxane, qui a perdu son fils, puis sa fille ? De Valérie, qui a perdu ses jumeaux fille et garçon ? De Marina, qui a perdu sa fille, puis son fils ?

Vous avez compris où je voulais en venir. Je me contenterai donc de vous recommander deux billets précis de pastoutàfaitpapa : "avec des mots d'enfant" et "mais moi je voulais une petite soeur".

Alors épargnez-moi ces phrases toutes faites et ces remarques vides de sens, s'il vous plaît. Je m'efforce de ne pas sombrer dans la paranoïa par rapport à cette nouvelle grossesse mais je n'ai pas besoin de ces commentaires qui ne font plus écho à ma réalité.

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9 octobre 2014

Pas tout-à-fait papa

Il y a bientôt cinq mois, j'ai découvert un blog tenu par quelqu'un qui avait perdu, quelques mois plus tôt, sa deuxième fille, à 8 mois de grossesse. Les blogs traitant du deuil périnatal sont peu nombreux et les blogs de ce "genre" le sont encore plus, puisque son "originalité" réside dans le fait qu'il est tenu par un papa. Pour une fois qu'un papa ose, à raison, prendre la parole, je ne peux que vous inciter à l'écouter - à le lire, pour être précise.

La sollicitude, les encouragements, les tentatives de réconfort sont quasiment exclusivement adressés à la maman.
Rares sont les personnes qui comprennent que le papa AUSSI a perdu un enfant.
Rares sont les personnes qui demandent des nouvelles du papa, alors que la maman est au coeur de toutes les inquiétudes (quand elles existent).
Rares sont les personnes qui comprennent que ce n'est pas moins difficile pour le papa sous prétexte qu'il n'a pas porté ou mis au monde son enfant. J'aurais pu dire "au contraire" mais ce ne serait pas exact. Ce n'est pas plus difficile pour le papa ou la maman. De toutes façons, il n'est pas question de comparaison ou de hiérarchisation de la douleur. Face au deuil de son bébé, chacun fait comme il peut avec ses forces et ses faiblesses, ses repères et ses manques. Le papa se sent souvent frustré de n'avoir pu partager avec son enfant "autant" de choses, pourtant si peu nombreuses, que la maman. La maman culpabilise souvent de n'avoir pas su protéger son enfant. Aucune position n'est enviable, aucun statut n'est préférable, aucune situation n'est jalousable. Rien de plus vrai que ce que chantait Serge Reggiani :

L'absence, la voilà,
L'absence d'un enfant, d'un amour,
L'absence est la même,
Quand on a dit "Je t'aime" un jour,
Le silence est le même.

Je ne dis pas que mon mari se retrouve(rait) dans tout ce que ce papa désenfanté écrit, je dis simplement qu'il est important qu'un papa puisse aussi faire entendre sa voix, parmi toute l'attention essentiellement portée vers les mamans. Alors, qu'il le veuille ou non, ce papa, à travers son blog, est un peu le porte-parole de tous les papas désenfantés.

Les plus vigilants ou assidus auront peut-être remarqué que ce blog fait partie des liens figurant sur mon blog. Pour les autres, en voici l'adresse : http://pastoutafaitpapa.canalblog.com

9 octobre 2014

Marche blanche

Mercredi prochain, nous serons le 15 octobre et, comme tous les ans, ce sera la journée internationale du deuil périnatal.

Un peu partout dans le monde, notamment en France, sont organisées des "marches blanches" en l'honneur des bébés décédés.
C'est le cas à Rouen. J'y participerai. Avec mon mari et Gaspard. Contre vents et marées.

Affiche marche blanche JIDPN 2014

J'ai fait poser cette affiche à plusieurs endroits de ma commune : dans deux boulangeries, dans une boucherie, dans une pharmacie et à l'école de musique.Je ne m'attends pas à ce qu'il y ait foule à cette marche mais si ne serait-ce qu'une personne remarque cette affiche et s'interroge sur ce qu'est le deuil périnatal, alors ce sera déjà une petite victoire.

1 octobre 2014

Retour au travail

Cela fait une semaine que j'ai repris le travail, après 19 mois d'interruption (jour pour jour) entre arrêt maladie, congé maternité, congé parental et congés payés. J'avais programmé ma reprise après l'adaptation de Gaspard à la crèche, j'aurais pu reprendre plus tôt puisqu'elle s'est terminée le 15 septembre mais, pour ces "premières fois depuis", je ne voulais pas travailler les 18, 19 ou 23 septembre. J'ai donc repris le 24 septembre, après avoir temporairement arrêté de travailler le 25 février 2013.

Pour me sentir bien dès le début, j'ai commencé par me réapproprier mon poste de travail, qui était entre-temps passé entre les mains de ma remplaçante et d'une stagiaire.
Entre mes deux écrans, j'ai posé une des étoiles de la boîte à souvenirs d'Élise.
En fond d'écran, j'ai choisi la carte que ma mère a dessinée pour le premier anniversaire des grumeaux :

carte premier anniversaire grumeaux maman

Par l'accueil qui m'a été réservé, j'ai eu l'impression de revenir tout simplement de vacances alors qu'au fond de moi, je ne suis plus la même. Pour mes collègues, l'équation est simple : ils ne m'ont pas vue enceinte au travail, puisque j'ai été arrêtée au bout d'un mois de grossesse, et quand j'ai fait une visite de courtoisie en janvier dernier, j'avais un bébé à présenter. Alors que l'absence de ma fille m'habite en permanence et que la grande majorité de mes collègues sont au courant (ne serait-ce qu'avec le mail que j'avais adressé à l'ensemble du personnel de mon entreprise en décembre dernier), je suis sûre que certains d'entre eux ont purement et simplement oublié que j'avais perdu un enfant.

En témoigne la brève discussion que j'ai eue avec un collègue (qui figurait pourtant parmi les destinataires de mon mail) à propos de ma nouvelle grossesse. Alors que je commentais le fait d'attendre un autre petit garçon d'un "je vais avoir une tribu de garçons à la maison", il m'a répondu : "c'est le deuxième alors ?". J'ai laissé un petit blanc, volontairement, puis ai précisé : "le deuxième vivant, oui, mais le troisième dans les faits".
Pas d'autre réaction qu'un embarras silencieux mais peu importe : Élise est mon premier enfant, Hector est mon troisième enfant et je ne laisserai personne croire qu'il en est autrement ! Ce n'est pas un caprice, une lubie ou un arrangement avec la réalité : mon livret de famille dit et dira la même chose.

Vis-à-vis de mes collègues, j'ai pris le parti de saisir chaque occasion de parler d'Élise. Je ne provoque pas ces occasions - je n'y arrive pas alors que l'envie de parler de ma fille me brûle les lèvres à chaque instant - mais je les guette. Alors que je discutais avec un jeune collègue de ma nouvelle grossesse (encore ! Je dois reconnaître que le fait que je revienne enceinte de congé maternité peut être un peu déroutant !) et de la brièveté de mon retour au travail, j'expliquais que mon futur congé maternité serait celui accordé pour un troisième enfant, ce qui l'a étonné : "c'est bizarre que ta fille soit considérée à charge par la sécurité sociale". Je lui ai alors expliqué la différence entre la CAF et la sécu, et entre les enfants "à charge" et les enfants "mis au monde viables". J'aurais pu être perturbée par sa question "cash" mais j'ai précisément apprécié qu'il ne s'embarrasse pas d'une éventuelle retenue pour évoquer ma fille ! Des questions sans détours à propos d'Élise, j'en redemande !

Le lendemain de ma reprise, ma chef a commenté avec pudeur les boucles d'oreilles en étoiles que je portais : "Je n'avais pas fait le lien". J'ai alors mis les pieds dans le plat : "oui, si vous voyez des étoiles sur moi, c'est pour ma fille". Une autre collègue a alors répondu qu'elle avait effectivement remarqué l'étoile entre mes écrans. Gagné !

Le lendemain de ma reprise toujours, mon patron s'est intéressé, par pure obligation, à ma nouvelle grossesse : "Vous savez ce que c'est ?" J'ai eu envie de lui répondre qu'a priori c'était un humain, pas un alien, mais je me suis dit qu'il serait malvenu, dès ma reprise, de crisper à nouveau nos relations, que le temps et la distance de ces derniers mois ont eu la bonne idée de détendre, par la force des choses. Je me suis donc contentée d'un :
- C'est un petit garçon.
- Et là, vous avez déjà... ?
- Un petit garçon... et ma fille, qui n'est plus là.
Évidemment, rien qu'en prononçant ces quelques mots, ma voix a trahi mon émotion. [mode ironie : ON] Alors on peut me trouver chochotte ou hypersensible [mode ironie : OFF] mais, oui, je m'émeus encore de dire que ma fille n'est plus là ! Mon patron l'a remarqué et n'a pu s'empêcher de commenter : "Vous avez encore du mal". J'ai eu envie de lui répondre "Évidemment que j'ai encore du mal, ça ne fait qu'un an ! Et toute ma vie, j'aurai du mal à vivre l'absence de ma fille et à annoncer, confirmer ou répéter que ma fille n'est plus là". Là encore, j'ai pris sur moi pour lui répondre laconiquement : "oui, et je pense que ça va durer encore longtemps." Fidèle à lui-même, il a ensuite dévié la conversation sur lui mais je n'en attendais pas moins de sa part.

La "bonne nouvelle" de ma reprise, c'est que j'ai trouvé des oreilles attentives et compréhensives non pas auprès de mes collègues, mais auprès de traductrices avec lesquelles je travaille beaucoup à distance mais que je n'ai jamais rencontrées. Évidemment, j'ai fait une "sélection" des relations professionnelles à qui je pensais pouvoir en toucher quelques mots ; je n'en ai parlé à aucun de mes clients (mais si l'occasion se présente un jour, j'en profiterai peut-être) et ai choisi, parmi les dizaines de traducteurs avec lesquels je travaille au quotidien, de ne me confier qu'à trois d'entre eux - d'entre elles, en fait. Leurs réactions ont été à la hauteur du "feeling" que je pensais avoir avec elles et de la confiance que je leur ai témoignée en ouvrant mon coeur et en donnant le lien vers ce blog. Pour le réconfort qu'elles m'ont apporté dans cette étape parfois décevante qu'est ma reprise du travail, je les remercie du fond du coeur !

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