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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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8 septembre 2015

Retour au travail (bis)

J'ai repris le travail il y a deux semaines et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça été - c'est - compliqué. Non pas de reprendre le travail en soi - c’était nécessaire, pour plusieurs raisons - mais de laisser Hector. J'ai comme un sentiment d'abandon.

  • Je suis restée un an non-stop avec Gaspard.
  • J’ai repris le travail après son adaptation, nous avons donc pu nous séparer en douceur ; j’ai en quelque sorte moi aussi fait mon adaptation.
  • C’est moi qui ai fait son adaptation à la crèche, qui l’ai accompagné dans ce nouveau monde.

 

  • Je n’ai passé « que » 6,5 mois avec Hector. Certes, c’est déjà une chance par rapport à tous ces bébés qui atterrissent chez la nounou ou à la crèche dès leurs 2,5 mois mais pour moi, c’était encore trop tôt, surtout qu'on a eu du mal à démarrer.
  • J’ai repris le travail avant son adaptation. Au cours des quelques jours qui ont précédé ma reprise, nous avons profité des congés de mon mari pour amorcer la transition : il s’est au fil des jours de plus en plus occupé de Hector la journée pour que je me « détache » de lui, pour qu’il se « détache » de moi et « s’attache » à son papa. Malgré cela, pendant ces quelques jours, nous étions ensemble quasiment en permanence et nous avons été séparés du jour au lendemain lorsque j'ai repris le travail.
  • Ce n’est pas moi qui fais son adaptation à la crèche, qui l’accompagne dans ce nouveau monde.

 

Ce sentiment n’a rien à voir avec son papa, je sais qu’il est bien avec lui, qu'ils sont bien ensemble. Il n’est pas question de mon mari ou de confiance, mais de moi. Il n’est pas question de  savoir à qui je l’ai laissé mais du fait que je l’aie laissé.

D'ailleurs, rien que pour ce qui va suivre, je me réjouis que mon mari accompagne Hector dans cette étape : mon mari m’a dit à plusieurs reprises qu’en passant autant de temps avec Hector, en tête-à-tête qui plus est, il avait l’impression de le découvrir vraiment. La première fois qu'il m'a fait cette confidence, ça m’a fait comme une bouffée d’amour et de bonheur dans le cœur ! Je suis heureuse que mon mari ait cette chance-là, celle de passer du temps avec ses fils.

 

Ça, c’est pour la séparation. Il y a aussi les retrouvailles...

 

Le premier soir où j’ai retrouvé Gaspard et Hector après le travail, j’étais impatiente et heureuse. Et en même temps, mon cœur s’est serré. J’avais quitté Gaspard et Hector en sachant que je les retrouverais. Élise, je l’ai quittée en sachant que je ne la retrouverais pas. En rentrant ce soir-là, j’ai retrouvé deux de mes enfants. Je n’ai retrouvé que deux de mes enfants.

Pour être honnête, je devrais dire que j’ai quitté Élise sans savoir si je la retrouverais un jour. J’ai envie de croire qu’un jour je la rejoindrai là où elle est partie avant moi mais qui peut me l’assurer ? Cela fait partie de ces croyances auxquelles on se raccroche plus par nécessité que par conviction...

Réflexion

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12 août 2015

Pas que ça

Lui sourire.
Me détendre.
Provoquer le peau à peau.
Prendre plaisir à être avec lui.
Apprécier sa chaleur.
Plonger mon regard dans le sien.
Le faire rire.
Savourer sa douceur.
Me reconnecter à lui.
Prolonger l'instant.

C'est ce que j'ai vécu hier soir avec Hector, à l'occasion d'un bain partagé, pendant que Gaspard était avec son papa.

Je voulais en parler ici pour rétablir l'équilibre suite à mes deux derniers billets. Parce que, au milieu de ma tempête, il y a aussi des instants de grâce et que ce sont ces moments qui me donnent l'énergie d'affronter, tant bien que mal, les autres moments...

Réflexion

10 août 2015

L'admettre et le dire

Il est rare que je parle ici de ce qui me fait souffrir si cela n'est pas lié à Élise.
Comme si ce blog était exclusivement le sien.
Comme s'il m'était interdit de me plaindre de quoi que ce soit puisque le pire est déjà avec moi.
Mais j'ai besoin de me décharger.
 
J'ai bien entamé mon capital de mère au foyer en restant quasiment 12 mois à la maison avec Gaspard.
Dans deux semaines, je l'aurai encore grignoté en restant plus de 6,5 mois à la maison avec Hector.
Sans compter les presque 7 mois et presque 2 mois de femme au foyer qui ont précédé la naissance d'Élise et Gaspard puis de Hector.
 
Et voilà que j'arrive au bout de mes capacités.
 
Ce soulagement honteux quand l'un ou l'autre fait la sieste.
Cette impatience de ne plus être seule avec eux.
Ce rêve coupable qu'ils fassent la sieste en même temps, même rien que dix minutes.
Cette lassitude de ne rien pouvoir faire d'autre que ranger, nettoyer ou cuisiner quand ils me laissent un peu de répit.
Cette crainte de ne pas leur apporter ce dont ils ont besoin
Ce regret de n'être complètement ni avec l'un ni avec l'autre tant ils ont besoin d'attention tous les deux.
Cette patience qui s'est envolée.
Cette maman que je suis et que je peine parfois à reconnaître.
Ce besoin - cette nécessité - de repos physique et nerveux.
 
Cette vie n'est pas pour moi.
 
Il me tarde de reprendre le travail, malgré tout.
Pour être une femme. Pour travailler. Pour être entourée d'adultes.
Pour quitter la maison. Pour y revenir avec plaisir.
Pour lâcher du lest.
Pour ne plus être qu'une mère.
Pour être plus qu'une mère.
 


Le cercle vicieux
Tu as vécu - tu vis - le pire : le deuil de ton enfant.
Rien n'est grave, rien n'est important, rien ne vaut le décès de ton enfant, rien ne mérite que tu t'y attardes autant.
Ce que tu vis en ce moment avec tes autres enfants n'est donc ni grave, ni important.
Prends sur toi et ça passera.
Mais tu prends sur toi et ça ne passe pas.
 
Alors tu prends sur toi à nouveau. Pas pour continuer à lutter cette fois mais pour ravaler ta fierté.
Ne pas y arriver. Ne plus y arriver.
Le reconnaître.
L'accepter.
Le dire.
Demander de l'aide. À la famille. Aux amis.
 
Mais par-dessus tout ça : la culpabilité.
De ne pas y arriver, justement.
De ne pas être la mère que tu voulais - que tu voudrais - être.
De te dire - à nouveau, alors que ta relation avec Hector s'est apaisée et ressemble à celle que tu imaginais - que si c'était à refaire, tu ne le referais pas. Pas si vite en tout cas.
De te plaindre de tes deux fils bien vivants alors que tu donnerais tout pour que leur soeur soit là aussi et être encore plus épuisée.
 
Et en même temps le sentiment d'être légitime.
Parce que le décès de ta fille a remis beaucoup de choses à leur place.
Parce que tu sais ce qui est grave ou important.
Et parce que tu sens qu'en ce moment ce n'est pas anodin.

Réflexion

23 juillet 2015

Évité(s) mais...

Ce soir, dans notre famille, deux drames ont été évités.

Le premier, qui est en fait le deuxième chronologiquement, concerne un doudou de Hector.
Il est tombé de la poussette sans que personne ne s'en soit aperçu.
Heureusement, un couple a croisé notre chemin au même moment.
Sinon, Dieu (qui n'existe pas, d'ailleurs, mais c'est une autre histoire) seul sait ce qu'il serait arrivé à ce doudou et comment Hector l'aurait vécu.
Moralité : toujours garder le doudou de Hector sous surveillance.

Le deuxième, qui est donc le premier chronologiquement, concerne Gaspard.
Il s'est retrouvé seul sur le pas de la porte d'entrée de la crèche, sur le trottoir donc, sans que personne ne s'en soit aperçu.
Heureusement, ses parents sont arrivés à la crèche au même moment.
Sinon, Dieu (qui n'existe toujours pas, d'ailleurs, mais c'est toujours une autre histoire) seul sait ce qu'il serait arrivé à Gaspard et comment ses parents l'auraient vécu.
Moralité : toujours garder Gaspard sous surveillance.

J'en parle avec un peu de distance à cette heure-ci mais tout à l'heure je n'en menais pas large... Et les puéricultrices qui ont failli dans leur surveillance doivent encore entendre résonner l'arrivée tonitruante de mon mari !

Plus de peur que de mal, au final, mais cela a ravivé des sentiments bien trop douloureux dont je n'avais vraiment pas besoin qu'ils remontent à la surface...

17 juillet 2015

Hier, tu m'as fait pleurer

Sur le trajet du retour de la crèche, ton père t'a posé des questions auxquelles tu as bien répondu. À votre retour à la maison, vous avez reproduit ce petit dialogue devant moi.

- Elle est où, Maman ?
- Mama maison.

- Il est où, Hector ?
- 'Eto' maison.

- Elle est où, Élise ?
- Éli' mor'.

Entendre ces horribles mots prononcés par toi.
Entendre cette horrible réalité dans ta petite bouche innocente.
Tu n'as même pas deux ans et la mort fait déjà partie de ton vocabulaire et de ta vie...

Et en même temps, à chaque fois que tu fais ou dis quelque chose de nouveau par rapport à Élise, une partie de moi se réjouit, derrière le rideau de larmes. Parce que je me dis que, petit à petit, sans lourdeur j'espère, nous parvenons à ce que nous nous sommes promis, à ce que nous lui avons promis, à ce que je lui ai dit à voix haute devant son cercueil au fond de sa tombe ce lundi 23 septembre 2013 : Élise existe pour toi, naturellement, simplement.
Il y aura sûrement des moments plus compliqués, plus délicats, plus embarrassants, avec des questions inévitables, des réponses impossibles, des doutes ravivés, des reproches insupportables mais au moins elle EXISTE pour toi et, si nous continuons ainsi, elle existera aussi pour Hector. C'est tout ce que nous (nous) souhaitons.

Hier, tu m'as fait pleurer, mais comme je te le dis À CHAQUE FOIS que je pleure devant toi, ce n'est pas de ta faute si je pleure, c'est parce que ta sœur n'est pas là.

Larme

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24 mai 2015

24

Mon "bébé de droite" devenait un petit garçon.
Mon "bébé de gauche" devenait une petite fille.
Seul mon mari devait connaître le sexe des grumeaux avant leur naissance. Mais l'échographiste, après avoir commencé par le bébé de droite et après en avoir révélé le sexe à mon mari à l'abri de mes yeux et de mes oreilles, avait pensé à voix haute, toute concentrée qu'elle était sur ce qu'elle était en train de découvrir et de comprendre : "Pour la petite fille, c'est plus compliqué", avait-elle gaffé, d'un air sérieux. Une phrase, quatre informations : ce bébé est une petite fille, l'autre bébé est un petit garçon, ce bébé ne semble pas aller bien, l'autre bébé semble aller bien.

Mon "bébé de droite" devenait Gaspard.
Mon "bébé de gauche" devenait Élise.
Les prénoms de nos bébés étaient déjà choisis en fonction des trois "combinaisons" de sexes possibles. Mais nous ne devions les appeler par leurs prénoms qu'à leur naissance.

Mon "bébé de droite" restait un bébé a priori en bonne santé.
Mon "bébé de gauche" devenait effectivement un bébé malade, malformé, anormal.
Dans tous ces qualificatifs devenus indissociables d'Élise, il y a le mot "mal". Ne pas être en bonne santé, c'est mal. Ne pas être correctement formé, c'est mal. Ne pas être dans les normes, c'est mal. De là à dire qu'Élise était l'incarnation du Mal, que le Mal était en elle...

Tout cela s'est passé un 24 mai. Le 24 mai 2013. Il y a 24 mois.

18 mai 2015

Vains

Il y a vingt mois, tu n'étais pas encore née mais déjà décédée.
Il y a vingt mois, tu n'étais plus vivante mais encore dans mon ventre.

Vingt mois sans toi.
Vains mois sans toi.

4 mai 2015

Je veux

Peut-être est-ce à cause du mauvais temps ou du retour de vacances - ou un peu des deux - mais je me sens déprimée ce soir. Et comme toujours, quand je déprime (ou plus), je pense à toi. Alors j'ai regardé des photos de toi. Il y a longtemps que je n'avais pas eu besoin de le faire, d'ailleurs.

Et en regardant à nouveau ces photos, je me suis dit plein de choses.

Je veux te prendre encore dans mes bras.
Je veux t'entendre rire aux éclats.
Je veux te murmurer à l'oreille que je t'aime.
Je veux te présenter ton petit frère.
Je veux te voir trébucher et te faire tes premières égratignures aux genoux.
Je veux te serrer à nouveau contre mon cœur.
Je veux t'écouter parler sans qu'on n'y comprenne rien.
Je veux lire la joie de vivre dans tes yeux.
Je veux goûter à la chaleur de tes câlins.
Je veux t'entendre te chamailler avec tes frères.
Je veux caresser la douceur de tes cheveux.
Je veux que tu me réveilles la nuit ailleurs que dans mes cauchemars.
Je veux qu'on reprenne ta vie et la nôtre là où elles ont commencé à basculer.
Je veux qu'on efface tout et qu'on recommence.
Je veux que tu me pardonnes et que tu me donnes une seconde chance.
Je veux que tu reviennes et qu'on fasse comme si de rien n'était.

Réflexion

30 avril 2015

Je vais être tata...

Billet publié après mais rédigé avant la naissance de ma nièce

 

... je devrais plutôt dire "Je suis tata" car l'enfant de mon frère et ma belle-sœur, qui doit arriver très prochainement, fait évidemment déjà partie de la famille, quoi qu'il arrive.

Quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé la bonne nouvelle, j'ai sauté de joie - littéralement. Parce que j'étais ravie pour eux, ravie que ça ait marché rapidement, ravie de devenir tata.

Quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé le sexe de leur enfant, j'ai eu la gorge nouée. Parce que c'est une fille.
Cela fait d'ailleurs écho à l'une des premières phrases que j'ai dites à mon mari quelques minutes après la naissance de Hector : "je suis contente que ce ne soit pas une fille". C'est un peu absurde car nous savions déjà que ce troisième enfant serait un deuxième garçon mais, en le voyant, en le touchant, en l'ayant dans mes bras, je me suis sentie encore plus soulagée de ne pas devoir accueillir une petite fille juste après Élise.

Quand mon frère et ma belle-sœur nous ont annoncé, suite à la dernière échographie, que tout allait bien, j'ai pleuré. Parce que j'étais jalouse. Jalouse de ne pas avoir pu dire ça pour ma fille.
Une idée terrible m'a traversé la tête ce jour-là : j'aurais voulu que tout n'aille pas bien. Je ne leur souhaite, ni à eux, ni à leur fille, aucun mal évidemment. Mais j'aurais juste voulu que l'un des êtres qui comptent le plus pour moi puisse s'approcher au plus près de ma douleur, pour la comprendre et la partager. J'aurais voulu ne plus être seule dans cette douleur.

Ces derniers jours, j'appréhendais un peu mieux l'arrivée de cette petite fille dans notre famille mais j'étais persuadée que sa naissance ne serait pas évidente pour moi. Maintenant qu'elle est sur le point de débarquer, je vois bien que je ne me suis pas trompée. Quand mon frère nous a appris qu'il ne s'agissait plus que d'une question d'heures, ma réaction a été la même que lors des deux premières annonces, en l'espace de quelques secondes au lieu de quelques mois : d'abord la joie et l'impatience, puis immédiatement la gorge serrée et les larmes.

J'ai maintenant hâte qu'elle soit là, dans les bras de ses parents, vivante et en bonne santé.
Et, égoïstement, je voudrais faire un bond en avant de quelques jours ou semaines, vers ce moment où j'aurai dépassé tout ce que sa naissance réveille en moi. Même si je sais que d'autres étapes de sa vie ne manqueront pas de réveiller d'autres choses en moi, comme un écho silencieux par rapport à Élise, puisque ce sera elle la vraie première petite-fille de la famille...

Réflexion

15 avril 2015

La laisser s'envoler

Je me suis toujours considérée comme plutôt équilibrée et pas trop mal dans mes baskets (adolescence mise à part mais quoi de plus banal ?) alors je ne me serais jamais imaginé dire ça un jour mais la vie a décidé de contrarier mes plans : "je vois une psy". Les plus fidèles d'entre vous le savent déjà : depuis la découverte des malformations d'Élise, nous sommes suivis (surtout moi, ces derniers mois) par la psychologue de la maternité où j'ai accouché. Et je l'ai revue il y a deux semaines, justement. Je l'avais appelée lorsque je n'allais pas bien par rapport à Hector mais elle ne pouvait pas me recevoir avant début avril. Lorsque j'ai pris rendez-vous, je pensais lui parler surtout de Hector et moi ; en réalité, les choses étant redevenues quasiment normales entre Hector et moi entre-temps, c'est surtout d'Élise qu'il a été question.

Réflexion

Et le constat n'est pas glorieux puisque, quatre mois plus tard, il est identique à celui de novembre.
Voici en vrac ce qui est ressorti de ce nouveau rendez-vous :

  • Je n'arrive pas à lâcher le petit ballon d'Élise, à le laisser s'envoler ; je m'accroche désespérément à sa ficelle.
  • Élise n'est encore que douleur et tristesse. Mais comment peut-il en être autrement ? Comment peut-on ne pas - ne plus - souffrir de la mort de son enfant ?
  • En associant Élise à autre chose que la douleur et la tristesse, j'aurais l'impression de la trahir.
  • Je rame à contre-sens, comme si je ramais vers elle alors qu'elle devrait être le souffle qui me pousse en avant.
  • Je n'accepte pas que la place d'Élise ne soit pas la même que celle de Gaspard et Hector.
  • Ma réalité ne correspond pas à la réalité que me renvoient les autres : là où je me sens maman de trois enfants, on me dit que je suis maman de deux enfants.
  • J'ai l'impression de tenir la ficelle du ballon d'Élise toute seule, pour tout le monde, mais si ce n'est pas moi qui le fais, qui le fera ? À cela, "ma psy" répondrait : y a-t-il besoin que quelqu'un tienne cette ficelle ?

Renoncer
Je me souviens d'une phrase prononcée par un papa (qui a perdu son fils il y a plus de 6 ans) lors du dernier groupe de parole de l'association Nos tout-petits auquel j'ai assisté, en décembre dernier : "Accepter, c'est renoncer". Accepter la mort de son enfant, c'est renoncer : renoncer à la vie qu'on avait imaginée, à la famille qu'on avait espérée, aux projets qu'on avait rêvés, à la personne qu'on était. Et c'est bien ça mon problème - ou plutôt l'étape que je n'ai pas franchie, que je n'arrive pas à franchir : je n'ai pas renoncé. Je n'ai pas renoncé à "tout ça" alors que maintenir l'illusion que "tout ça" est encore possible est absolument absurde, vain, vide de sens.
Lors de ce même groupe de parole, une autre maman s'étonnait (sans jugement, sans reproche) de ce que je persistais à faire vivre, à faire exister Élise au quotidien, de ce que je n'acceptais pas qu'Élise ne soit pas intégrée à notre vie de tous les jours, comme Gaspard et aujourd'hui Hector. Je crois qu'on en revient exactement à la même chose : le renoncement, que je n'ai pas encore atteint.
En d'autres termes, je n'accepte pas la vie d'Élise telle qu'elle est, telle qu'elle a été. D'une certaine façon, je l'attends encore, je n'ai pas tout à fait compris, accepté, intégré, admis que c'était fini. Je ne veux pas que ce soit fini. Je ne veux pas qu'Élise ne se conjugue qu'au passé alors qu'elle est si présente en moi.
Quand j'aurai franchi cette étape, je crois que j'aurai fait un grand pas et que je ne pourrai plus reculer. Mais je ne sais pas encore quand, comment ni à quel prix j'y arriverai.

Le début du renoncement, ce sera peut-être quand je réussirai, entre autres, à :

  • changer l'image de profil de mon compte Facebook personnel, qui est toujours la même depuis plus de 18 mois : le faire-part de naissance officieux des grumeaux,
  • dire de Gaspard qu'il est "mon premier" ou "mon aîné",
  • changer le fond d'écran de mon portable, qui est toujours le même depuis plus de 18 mois : les empreintes de pieds d'Élise,
  • arrêter de préciser "vivants" quand je dis que mon mari et moi voulons quatre enfants.
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Tannabelle et ses grumeaux
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