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Tannabelle et ses grumeaux
   
"Livre-lui tes pensées. Des pensées que tu ne dis pas, ce sont des pensées qui pèsent, qui s'incrustent, qui t'alourdissent, qui t'immobilisent, qui prennent la place des idées neuves et qui te pourrissent. Tu vas devenir une décharge à vieilles pensées qui puent si tu ne parles pas."
Oscar et la dame rose - Éric-Emmanuel Schmitt
   
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6 octobre 2013

Retour en arrière - Épisode 1 - Du 8 au 11 septembre 2013

Maintenant que nous prenons nos repères et notre rythme, je trouve un moment pour revenir sur ces dernières semaines, avec les quinze pages de notes que j'ai prises pendant mon séjour à l'hôpital.

Nuit du samedi 7 au dimanche 8 septembre
C'est à ce moment-là que la fin de la grossesse s'est rapprochée, sans qu'on s'en rende forcément compte sur le coup.
Vers 2h20, j'ai été réveillée par une sensation d'humidité. Le temps d'aller vérifier aux toilettes s'il s'agissait d'un écoulement dû à une fissuration d'une des poches des eaux et, croyant que c'était effectivement le cas, de retourner réveiller mon mari, j'ai perdu du sang pendant quelques minutes à peine mais de façon suffisamment abondante pour nous inquiéter et nous inciter à appeler les pompiers, qui m'ont passé un médecin qui m'a à son tour envoyé une ambulance. L'attente n'a duré que quelques minutes mais elle nous a laissé le temps de nourrir des sentiments assez culpabilisateurs : pourvu que Gaspard aille bien, le destin d'Élise étant de toutes façons déjà scellé.

Dimanche 8 septembre
A notre arrivée aux urgences maternité vers 3h30 le dimanche, j'ai été prise en charge rapidement. On m'a alors posé un monitoring qui a confirmé que les deux bébés allaient bien. L'examen clinique qui a été réalisé n'a pas permis de déterminer avec certitude l'origine des saignements : peut-être étaient-ils dus à la présence d'un ectropion cervical (légère modification du col de l'utérus). La sage-femme qui m'a examinée a préféré ne pas investiguer davantage afin de ne pas risquer de faire remonter des bactéries vers l'utérus au cas où l'une des poches des eaux aurait effectivement rompu.
Dans le doute et jusqu'à confirmation par les prélèvements effectués, la sage-femme a jugé qu'il y avait eu rupture d'une des poches et m'a donc placée sous antibiotiques pour prévenir toute infection materno-fœtale, m'a mise sous perfusion pour mettre l'utérus au repos et m'a fait une piqûre en intra-musculaire pour accélérer la maturation des poumons des grumeaux au cas où l'accouchement se précipiterait (je n'en étais qu'à 33,5 SA).
L'échographie réalisée vers 6h00 a confirmé que les grumeaux avaient toujours assez de liquide amniotique et qu'ils étaient correctement positionnés : Élise avait toujours la tête en bas et le dos à gauche tandis que Gaspard était en transverse avec les fesses en l'air et la tête en bas.
On m'a ensuite transférée en unité de grossesses pathologiques (UGP) vers 8h00 le dimanche. Les deux autres monitorings réalisés dans la journée du dimanche se sont avérés rassurants. Connaissant le contexte, la sage-femme a même eu la délicatesse de s'assurer que ça ne nous posait pas problème que le cœur d'Élise soit surveillé, visible et audible.

Lundi 9 septembre
Le hasard faisant parfois bien les choses, il se trouve que c'est le Pr Verspyck qui fait le tour du service tous les lundis matins. En attendant sa visite, j'ai eu droit à un nouveau monitoring et à la deuxième et dernière piqûre de maturation des poumons des grumeaux.
Le Pr Verspyck est ensuite passé, accompagné de trois sages-femmes. Selon lui, il n'y avait pas de rupture de la poche des eaux mais, par acquit de conscience, de nouveaux prélèvements devaient être réalisés à distance des saignements pour le confirmer définitivement. En cas de rupture, je serais gardée sous surveillance ; dans le cas contraire, je pourrais sortir dès le mardi en attendant notre RDV prévu avec le Pr Verspyck le lundi suivant.
Finalement, les prélèvements ont confirmé qu'il n'y avait pas de rupture.

J'ai donc pu sortir dès le mardi 10 septembre, ce qui coïncidait avec l'arrivée de mes parents le soir même, pour 24 heures. Avant ma sortie, l'équipe d'UGP et le Pr Verspyck ont bien précisé qu'il ne fallait pas hésiter à revenir au moindre signe d'alerte.

Mercredi 11 septembre
J'ai passé la journée avec mes parents, tranquillement à l'appart' pendant que mon mari était au travail.
Le soir, en revanche, le retour à la "vie normale", à deux, avec suffisamment de temps pour cogiter, a été fatal : crise de larmes et montée d'angoisses impossibles à calmer.
Le fait de ne plus sentir bouger les grumeaux, aussi bien dans la journée du mercredi que la nuit suivante, n'a pas favorisé non plus la sérénité...

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2 septembre 2013

Treizième échographie

Aujourd'hui, nous avons retrouvé le Dr Brasseur pour notre treizième échographie, la dernière programmée à ce jour.

Gaspard nous fait le bonheur de continuer à bien pousser. Toutes ses mesures sont bonnes et dans la moyenne. Le petit filou s'est encore retourné - il a maintenant la tête en haut - ce qui est un signe de tonicité, surtout à ce stade, d'après l'échographiste. Il pèse environ 2,1 kg, soit 400 g de plus qu'il y a deux semaines.

Quant à Élise, ni scoop ni miracle à l'écran : le Dr Brasseur a mesuré uniquement son ventricule gauche qui est passé de 36 mm à 37 mm. Rien de très probant mais de toutes façons, à ce stade, toute stabilisation ou régression serait vaine et n'aurait que le goût amer de l'ironie... Son périmètre crânien a encore grossi - ma choupette prend la grosse tête ! ;-( Quant à ses autres mesures, elles sont très basses, ce qui fait craindre au Dr Brasseur un retard de croissance in utero (RCIU), qui pourrait alors, comme la fente et l'hydrocéphalie, être un syndrome d'une maladie globale. Notre choupette ne pèse donc que 1,7 kg, soit 200 g de plus qu'à la dernière échographie - un poids d'autant plus inquiétant que sa tête disproportionnée fausse les mesures... Je dois avouer que cette mauvaise nouvelle me rassure par rapport à la décision que nous nous apprêtons à prendre...

Peut-être y aura-t-il une ultime échographie entre l'interruption de grossesse et l'accouchement ? Nous le saurons probablement demain lors de notre rendez-vous avec le Pr Verspyck. En tout cas, je ne pense pas qu'il y en ait d'autres avant l'ISG, ce qui signifie que cette échographie était la dernière où nous voyions Élise "pour la voir". La prochaine fois que nous la verrons, ce sera lors du repérage échographique avant l'ISG et ce sera pour lui dire adieu...

22 août 2013

Le jeudi, c'est neuro-pédiatrie - Épisode 3

Nous avons à nouveau rencontré le Professeur Marret, histoire d'entendre une dernière fois son avis de neuro-pédiatre sur l'état d'Élise et d'essayer d'assurer notre décision autant que possible.

Comme nous nous y attendions, il n'a pas pu nous en dire beaucoup plus que ce que nous savions déjà : les malformations d'Élise sont graves mais il ne peut nous donner un pronostic certain à 100% sur son état à sa naissance et sur l'évolution possible de son état en grandissant. Le Pr Marret a été honnête : si Élise ne présentait "que" la dilatation (qui conduit désormais à ce qu'ils appellent à une hydrocéphalie), bien qu'elle soit apparue précocément et qu'elle soit sévère et évolutive, il serait un peu moins inquiet mais c'est, encore une fois, l'association de ses deux malformations qui le rend si pessimiste. Cette association laisse en effet à penser qu'une maladie plus générale, qu'ils n'auraient pas réussi à identifier malgré les différents examens réalisés, pourrait être à l'origine de ce qui ne serait alors que deux symptômes parmi d'autres encore inconnus.

Le Pr Marret a également évoqué une troisième "solution" dont j'avais déjà entendu parler dans certains cas mais qu'aucun médecin n'avait encore envisagée pour nous : accueillir Élise en unité de soins palliatifs, c'est-à-dire la laisser venir au monde vivante et la prendre en charge comme "n'importe quel patient" en fin de vie, même si sa vie à elle vient à peine de commencer, avec traitements anti-douleurs de plus en plus intensifs au fur et à mesure. Dans l'absolu, c'est la "solution" que j'aurais préférée si les médecins avaient pu nous assurer que son agonie n'aurait duré que quelques jours. Malheureusement, le Pr Marret a avoué son ignorance : Élise pourrait mettre quelques jours, quelques semaines ou plusieurs mois à s'éteindre d'elle-même en fonction de l'évolution de son hydrocéphalie qu'ils ne peuvent ni prédire ni maîtriser, sans parler de sa défiguration qui ne ferait qu'empirer, avec sa tête qui grossirait indéfiniment jusqu'à sa mort... Si ma fille doit de toutes façons mourir, je ne veux pas faire d'elle un monstre !
Pour les parents qui en ont la force, les soins palliatifs sont probablement le moins pire des compromis. Mais je ne me sens pas capable d'assumer ça, d'attendre, impuissante, démunie, la mort de notre fille... avec notre fils du même âge qui aura besoin de toute notre attention.
Quel sens ça aurait de prolonger son calvaire et le nôtre si l'issue est la même ?!
Les situations ne sont peut-être pas comparables mais je ne peux m'empêcher de penser au décès de mes grands-parents maternels : mon grand-père est décédé de façon inattendue (le jour de mes 14 ans, saleté de Papi !) tandis que ma grand-mère est décédée au terme d'une agonie de plusieurs mois (j'avais alors 22 ans - peut-être l'âge que j'avais lors de ces décès participe-t-il de mon impression différente mais je crois vraiment que ça ne joue pas tant que ça). J'ai beaucoup moins bien vécu la mort de ma grand-mère (et je ne pense pas me tromper en disant que mes proches ont le même ressenti), la voir dépérir progressivement en sachant la fin inéluctable a été une souffrance de tous les jours. Alors je ne veux pas de ça, ni pour ma fille ni pour nous, et mon mari est sur la même longueur d'ondes.
Puisque l'issue sera la même et la situation déjà suffisamment compliquée, je crois qu'il faut aussi qu'on essaie de se préserver un minimum, même si cela peut sembler égoïste... Je ne me vois pas regarder mon fils grandir et regarder ma fille mourir en même temps ; depuis ce 24 mai, nous avons sans cesse repoussé les limites de ce que nous pouvions accepter et supporter mais il arrive un moment où ces limites sont atteintes...

Neuropédiatrie

19 août 2013

Douzième échographie

Aujourd'hui, c'est avec le Dr Diguet que nous avons passé notre douzième échographie, le Dr Brasseur étant en congés.

L'examen a débuté par une "vue d'ensemble" des deux bébés, histoire que le médecin prenne ses repères, puisque c'était la première (et normalement la dernière) fois que nous le voyions. Élise est pour l'instant en pole position pour l'accouchement, Gaspard étant encore bien haut. Mais cette fois, les grumeaux avaient tous les deux la tête en bas, Élise étant à gauche avec le dos à gauche et Gaspard étant à droite avec le dos à droite : la position idéale pour papoter tranquillement ! :-)

Gaspard continue à bien pousser. Toutes les mesures réalisées et images visionnées sont normales. Notre petit loup est dans la moyenne haute des courbes, son poids avoisinerait 1,7 kg.

Quant à Élise, rien de nouveau ou d'inattendu : ses ventricules font désormais 33 et 36 mm (contre 33 mm le 1er août). En toute logique, ses mesures crâniennes continuent, elles aussi, à grossir : avec un diamètre bipariétal de 91,6 mm et un périmètre crânien de 306 mm à 31 SA, Élise dépasse largement les valeurs de référence tandis qu'elle reste dans la moyenne basse pour les autres mesures. Son poids est évalué à 1,5 kg, à ceci près que l'estimation est faussée en raison de la taille disproportionnée de sa tête.
Comme on nous en avait parlé à Necker, en raison de l'hydrocéphalie dont Élise est atteinte (et que le Professeur Marret avait évoquée mais seulement comme conséquence possible à l'époque), la taille de son crâne pourrait poser problème à l'accouchement si elle continue à augmenter. Il serait alors envisageable de pratiquer, en même temps que l'interruption sélective de grossesse, un drainage de son liquide cérébral afin de prévenir et limiter les complications pouvant survenir lors de l'accouchement. Nous en saurons probablement plus lors de notre rendez-vous avec le Professeur Verpsyck dans deux semaines.

En attendant, notre cas devait à nouveau passer au staff ce soir afin que soit évoquée l'éventualité d'une IRM (même si elle n'apporterait, a priori, pas grand-chose) et que nous soit proposé un nouvel entretien avec le Professeur Marret pour que nous puissions discuter avec lui, d'un point-de-vue neuro-pédiatrique, des récentes évolutions, notre dernière entrevue remontant maintenant à plus de six semaines.

Echographe

1 août 2013

Onzième échographie

Nous avons passé notre onzième échographie avec le Dr Brasseur.

Avant d'entamer l'examen, nous avons joué franc jeu avec elle quant à notre rendez-vous à Necker. Elle a parfaitement compris notre démarche et a même confirmé que nous avions bien fait de solliciter un deuxième avis afin d'éliminer - si possible - tout doute, tout regret, toute arrière-pensée.
Seul "bémol" : alors que nombre de gens se rendent à Necker sur la base de la réputation de l'hôpital (il y avait un peu de ça dans notre démarche), ceux qui font justement cette réputation sont très régulièrement en congrés ou autres, laissant aux médecins, sages-femmes, échographistes "lambda" le soin de faire fonctionner l'établissement. L'essentiel pour nous était toutefois d'avoir un deuxième avis, quelle qu'en soit la source.
Le Dr Brasseur nous a également informés que la vraie référence française en matière de neuro-pédiatrie est l'hôpital Armand-Trousseau, toujours à Paris. Lorsque nous lui avons alors demandé si nous aurions un quelconque intérêt à aller consulter dans cet hôpital, sa réponse a été claire : si elle avait le moindre doute, elle n'hésiterait pas à nous le conseiller mais la situation ne présente (malheureusement ?) aucune ambiguïté, compte tenu du stade d'apparition, de la sévérité et de l'évolutivité de la dilatation ventriculaire d'Élise. Dans notre malheur, nous avons la "chance" que le cas d'Élise soit si grave que les doutes se lèvent d'eux-mêmes progressivement. Mais qu'est-ce que j'aurais donné pour que la tendance s'inverse et que les doutes se lèvent dans l'autre sens !

Après cette courte discussion, le Dr Brasseur a débuté l'échographie par Élise (pour finir sur une note positive avec Gaspard, nous a-t-elle avoué :-)). Les mauvaises nouvelles continuent : de 30 mm vendredi dernier, ses ventricules étaient passés à 33 mm hier. Si le destin d'Élise est désormais scellé, nous espérons toujours que sa dilatation ait au moins la bonne idée de se stabiliser, afin de limiter les complications éventuelles liées au grossissement démesuré de sa boîte crânienne.

Quant à Gaspard, il continue à pousser comme il faut. Le Dr Brasseur a notamment insisté sur son décalage des valves cardiaques "parfait" et sa "superbe" bouche (par rapport à sa soeur, il n'a pas beaucoup de mérite ! :-)).

Désolée pour le trait d'humour un peu noir qui peut choquer : cela ne transparaît peut-être pas beaucoup sur le blog mais, dans les bons jours, nous parvenons à dédramatiser un peu la situation en pratiquant ce genre d'humour. Par exemple, désormais, chez nous, quand on veut se moquer gentiment de la stupidité de quelqu'un, on dit de lui qu'il est dilaté. C'est aussi ça, faire rentrer Élise dans notre histoire familiale...

Le Dr Brasseur a terminé par l'estimation du poids actuel des grumeaux. Gaspard pèse environ 1,2 kg ; Élise, environ 1,1 kg.

Après l'échographie, au détour de la conversation, nous avons également rapporté au Dr Brasseur les propos de l'échographiste de Necker ("le cerveau [d'Élise] est complètement détruit"). Fidèle à son tact habituel, elle a bien sûr nuancé la violence de ces termes mais a confirmé son pronostic, avant même que nous ayons pu lui dire ce qu'il avait ajouté : "elle ne pourra sûrement pas marcher, parler, ouvrir les yeux".

Lorsque nous avons informé le Dr Brasseur que notre décision était prise, elle nous a recommandé de prendre à nouveau rendez-vous avec le Pr Verspyck, ce que nous avons fait à l'issue de l'échographie. Nous le revoyons dans un mois, à son retour de congés (j'en serai alors à 33 SA), pour programmer l'interruption sélective de grossesse...

Echographe

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26 juillet 2013

Rendez-vous à Necker

Après avoir hésité pendant un moment, compte tenu du suivi spécifique qui a été mis en place au CHU de Rouen depuis la détection des anomalies d'Élise, nous nous sommes finalement décidé la semaine dernière à solliciter un rendez-vous à l'hôpital Necker à Paris, non par défiance envers l'équipe de Rouen mais simplement pour obtenir un deuxième avis.

Necker

De ce rendez-vous qui avait lieu aujourd'hui, nous attendions soit d'être rassurés ("c'est grave mais on a des solutions à vous proposer"), soit que le diagnostic de Rouen soit confirmé, afin d'être sûrs de la décision que nous prendrons et d'éviter de nourrir des regrets, dans les semaines, mois ou années à venir.

Nous avions rendez-vous au service de diagnostic prénatal et avons d'abord rencontré une sage-femme, qui nous a fait bonne impression. J'avais expliqué à la secrétaire les raisons de notre demande lors de la prise de rendez-vous, le message avait été transmis et la sage-femme était donc déjà au courant. À la fois techniquement et humainement, nous avons senti qu'elle savait de quoi elle parlait, qu'il s'agisse de la fente et de la dilatation d'Élise ou de l'interruption de grossesse et du deuil périnatal. Elle a alors dressé un rapide historique - prises de sang, résultats chromosomiques et échographies à l'appui - avant d'évoquer, de son point-de-vue obstétrical, les possibilités envisagées : échographie, IRM, consultation en neuro-pédiatrie. Elle a ensuite photocopié tous les résultats dont elle avait besoin pour constituer notre dossier. L'échographie étant possible dans la foulée de notre consultation, nous avons patienté quelques minutes avant de passer notre dixième échographie.

Compte tenu du motif et du contexte de notre visite, l'échographiste est allé droit au but, aussi bien dans son examen que dans son discours. Alors qu'elle s'était à peu près stabilisée autour de 25 mm la semaine dernière, la dilatation ventriculaire d'Élise atteint désormais les 30 mm, soit trois fois plus que la normale et deux fois plus que le seuil de sévérité. Nul besoin de préciser que cette évolution continue aggrave de plus en plus le pronostic, à tel point que l'échographiste a été plus que clair sur l'état d'Élise si elle vient au monde : elle sera très probablement alitée en permanence, sans pouvoir bouger, marcher ni parler. Il a également ajouté, textuellement, que "son cerveau est complètement détruit". Quel sens donner à sa vie, dans ces conditions, si elle ne connaît qu'un état végétatif, si nous ne pouvons rien partager avec elle ?...

Autre sujet d'inquiétude, qui avait été évoqué à demi-mots par le Professeur Verspyck : compte tenu de la pression exercée par cette dilatation sur son cerveau, la boîte crânienne d'Élise continue à grossir de façon importante et disproportionnée. Si cette tendance se poursuit, la tête d'Élise sera tellement grosse qu'elle gênera le développement de Gaspard dans mon ventre, alors qu'a priori tout va bien pour lui, qu'elle rendra impossible l'accouchement par voie basse et qu'elle fera de la césarienne, alors devenue inévitable, une intervention plus compliquée et plus risquée pour moi qu'une césarienne "classique". Alors que les anomalies d'Élise ne "concernaient" qu'elle jusqu'à présent, voilà que ses problèmes se mettent à avoir un impact direct et risqué sur Gaspard et moi-même...

Autant dire que ce rendez-vous a fait plus que remplir sa mission : bien loin de nous rassurer, il nous a ôté tout espoir et tout doute quant à l'état cérébral d'Élise. L'échographiste nous a clairement conseillé l'interruption sélective de grossesse. Je crois que cette décision s'impose malheureusement d'elle-même au fil des examens mais il nous reste à l'accepter, l'assumer et l'officialiser avant de la programmer...

D'après l'échographiste que nous avons rencontré, si nous étions suivis à Necker, l'ISG serait pratiquée entre 30 et 32 SA, c'est-à-dire dans deux à quatre semaines, afin de limiter les risques liés à la place que prend la tête d'Élise. À Rouen, la dernière fois que nous avons évoqué le sujet, il était question de pratiquer l'ISG vers 34 SA, mais la dilatation n'en était alors "qu'à" 25 mm. Peut-être réviseront-ils partiellement leur position maintenant que la dilatation a à nouveau changé de dizaine, ce que le Dr Brasseur devrait constater lors de l'échographie prévue jeudi prochain.

19 juillet 2013

Neuvième échographie

Lors de la dernière échographie, il a été décidé, en accord avec le Dr Brasseur puis avec le Pr Marret, de pratiquer une échographie toutes les deux semaines pour surveiller la dilatation ventriculaire d'Élise.

Nous avons donc passé notre neuvième échographie hier, avec le Dr Brasseur. La dilatation d'Élise est relativement stable : ses ventricules font 25 et 27 mm, contre 25 mm tous les deux il y a deux semaines. Quand nous avons demandé au Dr Brasseur ce qu'il fallait penser de la quasi-stagnation de cette dilatation, elle a été claire : elle ne permet en aucun cas de se réjouir ou d'être rassurés, la dilatation restant sévère et le développement du cerveau toujours aussi négativement incertain.

La croissance d'Élise comme de Gaspard se poursuit par ailleurs tout à fait normalement. Tandis que Gaspard est dans la moyenne, Élise est toujours un peu plus petite, à un décalage près : sa tête est un peu plus grosse que celle de son frère. Il paraît même que Gaspard est "un beau bébé pour un jumeau" : continue comme ça mon p'tit loup :-)

Echographe

17 juillet 2013

Beaucoup de questions, quelques réponses

Suite à notre dernier rendez-vous avec le Professeur Marret avant notre semaine de répit, nous avions demandé à rencontrer à nouveau le Professeur Verspyck afin de discuter de l'interruption de grossesse, sans que cette demande d'entretien n'ait valeur de décision de notre part. Lors de notre rendez-vous d'hier, nous avons pu lui poser nos questions et obtenir quelques réponses.

Questions

Quand aura lieu l'IMG, dans notre cas ?
Comme le Professeur Marret nous l'a déjà expliqué et comme nous l'avons déjà bien compris : le plus tard possible, pour préserver Gaspard au maximum. Le Professeur Verspyck a été plutôt explicite concernant les risques liés à la prématurité, qu'avait évoqués le Professeur Marret : immaturité des organes, retard mental, retard moteur.
Cela veut dire que l'IMG puis l'accouchement auraient lieu, a priori, vers la deuxième quinzaine de septembre.

Si l'IMG est envisagée vers la mi-septembre, combien de temps avant devrons-nous communiquer notre décision ?
Quand nous le voudrons, quand nous serons prêts.

Combien de temps est-ce que je vais garder Élise morte dans mon ventre ?
Le Professeur Verspyck a parlé d'une quinzaine de jours entre l'IMG et l'accouchement mais nous n'avons pas bien compris pourquoi. À choisir, je préfèrerais que l'IMG et l'accouchement s'enchaînent le plus rapidement possible, quitte à retarder l'IMG.

Comment se passe l'IMG en elle-même ?
Comme pour une amniocentèse, ils introduisent une aiguille dans le ventre de la maman pour atteindre le bébé, lui injecter d'abord un produit anesthésiant puis un produit destiné à arrêter son cœur.
Lors de l'amniocentèse, j'avais réussi à rester calme et immobile mais je ne sais pas si je serai aussi forte pour un tel geste...

Est-ce que le papa pourra être présent à mes côtés lors de l'IMG ?
Le Professeur Verspyck nous a assuré que oui, ce qui nous a rassurés, la présence du papa n'étant pas possible dans certains hôpitaux, d'après les témoignages que j'ai déjà lus.

Est-ce que nous pourrons voir notre fille après l'accouchement ?
Le Professeur Verspyck nous l'a confirmé, précisant même qu'ils conseillaient aux parents de voir leur enfant, pour l'accueillir en tant qu'enfant et pour faciliter (si tant est que cela soit possible) le travail de deuil.

Est-ce qu'Élise sera autopsiée ?
Ils le proposent, c'est aux parents d'accepter ou non.
Nous savons déjà que nous souhaitons cette autopsie.
D'abord pour Élise et pour nous : pour essayer de déterminer ce qu'elle a et éventuellement écarter tout risque, s'il existe et s'il est décelable, de récidive lors d'une prochaine grossesse.
Ensuite pour les autres : pour qu'Élise puisse aider, dans une infime mesure, la recherche.

Est-ce que nous pourrons passer une échographie 3D avant l'accouchement pour nous préparer à l'apparence physique d'Élise ?
Le Professeur Verspyck n'a répondu ni par la négative ni par l'affirmative (comme à son habitude) mais nous avons bien compris qu'il n'y voyait pas forcément d'intérêt. Selon lui, même en cas d'anomalies physiques aussi marquées et visibles que celle(s) d'Élise, les parents ne sont pas traumatisés par l'apparence de leur enfant.

Est-ce que l'on peut déjà savoir quel bébé viendra en premier ?
Il est trop tôt pour le savoir.

Est-ce que l'on peut déjà savoir si l'accouchement se fera par voie basse ou par césarienne ?
Là encore, il est trop tôt pour le savoir.
Sans le dire explicitement, le Professeur Verspyck nous a fait comprendre qu'une des indications possibles de la césarienne serait que la dilatation ventriculaire d'Élise évolue à un point tel que sa tête ne passerait pas par voie basse, pour parler trivialement.

 

Au cours de l'entretien, j'ai exprimé à voix haute une réflexion que mon mari et moi nous faisons depuis le début et depuis qu'ils nous disent qu'ils ne savent pas (et ne sauront probablement pas avant l'accouchement, si tant est qu'ils parviennent à savoir un jour) de quoi souffre Élise : si les médecins étaient capables de nous dire "il s'agit de telle pathologie, avec telles difficultés et tels handicaps attendus", ce serait "plus facile" puisqu'il nous "suffirait" alors de décider si nous sommes capables d'assumer la situation exposée, alors que les incertitudes qui entourent sa pathologie et les difficultés et handicaps à venir nous conduisent à considérer la situation comme un pari. C'est alors que le Professeur Verspyck a rectifié les choses : pour lui, il est certain qu'Élise souffrira d'un handicap impossible à évaluer précisément certes mais qui sera au mieux modéré, au pire sévère, qu'elle ne pourra probablement pas suivre une scolarité classique même en maternelle, qu'elle sera incapable de marcher. Je crois que je n'avais pas encore pris (ou pas encore voulu prendre) conscience de la gravité du handicap dont elle pourrait être atteinte. Sans se transformer en déclic, ses propos m'ont fait un électrochoc.

Au détour de ces questions, le Professeur Verspyck nous a informés que l'étude pangénomique qui avait été lancée 3 semaines plus tôt n'avait rien donné : aucune anomalie n'a été détectée, suite au "zoom" sur les chromosomes d'Élise. Cela ne veut pas dire que l'origine génétique ou chromosomique des malformations d'Élise est définitivement écartée ; cela veut simplement dire qu'ils n'ont rien trouvé, en l'état actuel de leurs recherches et possibilités. Peut-être que l'autopsie permettra de rechercher ailleurs ou autrement et d'identifier quelque chose.

Le Professeur Verspyck nous a par ailleurs rappelé que, si nous sollicitions l'interruption de la grossesse d'Élise, notre demande serait acceptée. En effet, ce n'est pas aux médecins de proposer l'IMG mais aux parents d'en faire la demande - demande qui doit ensuite être examinée et acceptée ou refusée par un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire, structure qui existe au sein de l'hôpital où nous sommes suivis.

8 juillet 2013

Le vendredi, c'est neuro-pédiatrie - Épisode 2

Suite à l'échograhie de mercredi, nous avons à nouveau rencontré le Professeur Marret, spécialisé en neuro-pédiatrie.

Comme nous nous y attendions, il n'a pas pu nous donner beaucoup plus d'infos ou de réponses. L'évolutivité de la dilatation n'est pas bon signe mais il est de toutes façons trop tôt pour entreprendre quoi que ce soit. La seule chose à faire est de surveiller cette dilatation avec une échographie toutes les deux semaines.

Il est incapable d'annoncer un quelconque pronostic. Son expérience lui a donné à voir tous les cas de figure : régression, stabilisation et évolution, que ce soit in utero ou ex utero, avec des séquelles et handicaps plus ou moins lourds.

Contrairement à ce que nous a dit le Dr Brasseur mercredi (mais nous avions peut-être mal interprété ses propos...), l'explication mécanique n'exclut en rien la cause génétique et ne permet en rien d'être rassurés, d'autant plus que l'association des deux anomalies reste un sujet majeur d'inquiétude.

Le Professeur Marret a de nouveau abordé le sujet de l'interruption de grossesse pour Élise. Sans chercher à nous influencer dans un sens ou dans l'autre, il a rappelé à plusieurs reprises que Gaspard allait bien et que toute décision en faveur d'Élise pouvait être défavorable à son frère. Comprenant qu'il faisait allusion aux risques liés à la prématurité, nous lui avons demandé si, dans le cas où nous déciderions de donner toutes ses chances à Élise et de déclencher un accouchement précoce, il était possible de limiter les risques liés à la prématurité. Sans rentrer dans les détails, il nous a confirmé qu'il existait certaines solutions, notamment par rapport à l'autonomie des poumons, etc.

À la fin de notre entretien, le Professeur Marret nous a recommandé de rencontrer à nouveau le Professeur Verspyck, gynécologue obstétricien spécialisé en médecine foetale. Comme notre gynécologue "classique" n'avait pas l'air disposée à évoquer l'interruption de grossesse lors de notre dernière consultation il y a une semaine, nous avons effectivement sollicité un nouveau rendez-vous avec le Professeur Verspyck pour obtenir toutes les informations concrètes autour de l'accouchement, quelle qu'en soit la tournure, afin de pouvoir prendre notre décision en toute connaissance de cause et par rapport à tous les aspects.

Cette semaine (et pour la première fois depuis un moment et sans doute pour la dernière fois avant un moment !), nous n'avons aucun rendez-vous au CHU, nous rencontrerons à nouveau le Professeur Verspyck et repasserons une échographie avec le Dr Brasseur la semaine prochaine. En attendant, nous soufflons autant que possible loin du CHU, dans la maison de vacances de mes parents au bord de la mer !

Neuropédiatrie

4 juillet 2013

Le mercredi, c'est échographie

Hier, nous avons passé une nouvelle échographie (la neuvième depuis le début de cette grossesse), initialement prévue dans le parcours "classique" avec une sage-femme mais finalement recasée avec la médecin qui avait détecté les problèmes d'Élise fin mai. La grossesse ayant pris un autre chemin, aucune des prochaines échographies ne sera réalisée par une sage-femme mais nous sommes contents que ce soit cette médecin qui nous les fasse désormais passer car elle nous inspire confiance, même si elle a été le premier oiseau de mauvaise augure de cette drôle d'aventure...

Au fond de nous, nous espérions toujours que la dilatation ventriculaire d'Élise se stabilise, à défaut de se résorber. Malheureusement, elle a continué à évoluer : de 20 mm le 17 juin, ses ventricules sont passés à 25 mm, soit bien au-delà du seuil de "sévérité" de la dilatation. À l'évolutivité et à la rapidité de l'évolution s'ajoute un autre motif d'inquiétude : l'apparition précoce de cette dilatation. En effet, si la dilatation en elle-même n'a rien de grave, c'est la pression qu'elle exerce sur le cerveau qui est redoutable. Or, cette pression existe depuis déjà (au moins) 6 semaines (son existence ayant été découverte le 24 mai), ne fait que s'amplifier et a encore de longues semaines devant elle pour faire tous les dégâts qu'elle veut, étant donné que je débute à peine le sixième mois de grossesse. La même dilatation avec le même profil évolutif n'aurait pas soulevé autant d'inquiétudes si elle s'était déclarée plus tard dans la grossesse...

Même si cela ne change rien à la gravité de la situation et à l'absence de solution in utero, l'échographiste pense avoir identifié l'origine du problème.
Dans le cerveau, nous avons tous ce que l'on appelle le liquide céphalo-rachidien (LCR), qui circule notamment à travers les deux ventricules latéraux, le troisième ventricule et le quatrième ventricule, ces ventricules étant reliés entre eux par différents canaux. Or, chez Élise, ce sont les deux ventricules latéraux et le troisième ventricule qui sont dilatés tandis que le reste du circuit est normal. L'échographiste pense donc que l'aqueduc de Sylvius (également appelé aqueduc mésencéphalique), qui relie le troisième ventricule au quatrième, est bouché, empêchant ainsi la circulation du LCR, qui reste bloqué dans les ventricules latéraux (cf. ci-dessous le schéma de l'échographiste que j'ai annoté).
La cause serait donc purement mécanique et n'aurait pas d'origine chromosomique, excluant ainsi a priori toute pathologie génétique et réduisant ainsi la dilatation ventriculaire et la fente labio-palatine à deux malformations isolées - "la faute à pas de chance", en d'autres termes. L'échographiste reste néanmoins prudente, son analyse (et son métier, par définition) ne se basant que sur l'interprétation d'images.

Schéma cerveau

C'est dans une situation comme celle-ci que l'on mesure malheureusement pleinement le conflit d'intérêts des jumeaux inhérent à la plupart des interruptions sélectives de grossesse : l'intérêt d'Élise serait en effet de venir au monde le plus tôt possible afin qu'une intervention cérébrale soit tentée tandis que l'intérêt de Gaspard serait de rester au chaud le plus longtemps possible. Dans tous les cas, nous devrons donc décider quelque chose.

Comment choisir ?
Comment décider ?
Comment assumer ?
Comment ne pas regretter ?
Comment ne pas se dire "et si..." ?
Comment savoir ce qui est le mieux ?
Comment savoir ce qui est le moins pire ?
Comment choisir à quel enfant donner le plus de chances ?

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